Station d’Extraction de Tuborsk,
Autorité Pénale de Vitriomilny,
24/08/562, 19h00
Cristof lâcha quelques instants sa pioche et insulta la paroi devant lui, se penchant pour tirer sa gourde de son sac. Malgré les efforts qu’il déployait pour ne pas salir son eau, il trouvait qu’elle avait toujours un goût de ferraille. Mais bon. On ne dit pas non à de l’eau. Il enleva ensuite ses gants pour regarder ses mains, endolories par quatre heures de pioche et deux minutes de combat à mains nues contre un autre prisonnier qui avait essayé de le violer alors qu’il allait prendre sa douche. Deux minutes, pensa-t-il, qui avaient plutôt l’air de dix secondes de combat pour une minute et cinquante secondes d’acharnement contre un homme à terre, lui a-t-on dit. Il siffla, les doigts pincés dans la bouche en tournant son attention vers Cruso, qui lui avait un marteau-piqueur dans les mains. Evidemment, il n’entendit rien. Cristof se saisit d’un caillou qu’il lança contre l’homme suintant. Se demandant d’où venait le projectile qui lui tapa contre la jambe, Cruso arrêta la machine, la reposa contre son ventre, et regarda en contrebas du boyau.
« Tu veux quoi ? » hurla-t-il.
« La trousse ! » gueula Cristof. Cruso se pencha pour attraper quelque chose hors de la vue de Cristof, et se releva promptement avec une boîte faite d’un solide plastique qu’il lança à son compagnon de labeur. Difficilement, Cristof l’attrapa entre deux mains endolories et en sortit une aiguille, et s’attela à la tâche de crever et de traiter les ampoules grossissantes sur ses mains et de repasser de la crème sur les bleus qu’il s’y était mis en fêlant deux côtes, noircissant un œil et en cassant quatre dents.
Quatre patchs désinfectants de taille variable, deux applications généreuses de crème et deux bandages (assez rembourrés) plus tard, Cristof remit ses mains dans ses gants et, s’aspergea d’eau avent de reprendre son travail de bagnard. Mis à part la bagarre, c’était une journée comme une autre. Cruso semblait de plus en plus tendu ces jours-ci, comme il avait l’habitude de l’être quand les choses avaient le potentiel de se gâter. Peut-être commençait-il à devenir fou – les quatre mois passés ici n’ont vu aucune attaque de qui que ce soit, et il avait réussi à se faire une réputation d’homme à ne pas toucher dès son arrivée. C’était devenu une espèce de règle : on ne cherche pas les hommes d’Infra, et on cherche encore moins Cruso.
Le tintement bienvenu de la pause est arrivé. Cristof reposa sa pioche, et s’effondra contre sa paroi. Mine de rien, en quatre heures, il avait creusé un mètre. Cruso s’installa à côté de lui, gourde à la main, barre de protéines dans l’autre.
« Sympa comme travail, hein ? » Dit l’homme plus noir que d’habitude.
« Ca change. » Soupira Cristof, qui but de la gourde que lui tendait son pote de régiment.
« Tu t’est fait quoi, tout à l’heure ? »
« Bah, rien. J’avais des ampoules. »
Les deux restèrent en silence pendant quelques instants.
« T’as bien amoché Baden. » Rigola Cruso.
« Ouais. » soupira Cristof.
Cristof avait envie de dormir. Il avait passé tellement de temps à frapper cette maudite paroi en tentant de faire passer la colère qui grondait en lui au sujet de son agression que alors que c’était chose faite, il n’avait plus envie que de poser sa tête sur un oreiller.
« J’commence à en avoir plein le cul de cette station. » grogna Cruso.
« J’ai commencé la minute ou on a posé le pied sur la passerelle. »
« Encore quatre mois à tirer. »
« Ouais. Quatre mois. »
« ‘Faudrait qu’on songe à se tirer, tu penses pas ? »
« Non. On a trop à perdre en le faisant. »
Cruso hocha la tête d’un air compréhensif, mais désapprobateur.
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