Le second.
Le joueur voulait faire un officier de la Ligue Rouge, assez célèbre, ayant vu un truc qu'il n'aurait pas du voir et vivant depuis incognito une vie de docker sur Equinoxe. Il a tiré "Banni", en revers de carrière, voulait parano en désavantage et titre en avantage...
Ça donne ça, donc, pioché dans Univers, essentiellement.
Orion VOLGAR... Stratège émérite, tacticien hors-normes, meneur d’hommes éprouvé et vétéran de plusieurs batailles, dont celle du Pic de Beaulieu qui fit sa réputation lorsqu’il décapita un seigneur mutant de la surface d’un seul coup de lame moléculaire. Il perdit peu après un bras au siège de Syra, ce qui lui valut sa nomination au grade de colonel et sa démobilisation dans les honneurs, avec la reconnaissance éternelle de la Ligue. Il revint auprès de sa première épouse, féconde, adopta une ribambelle de mouflets en s’attachant l’affection de trois nouvelles concubines stériles, et l’on dit qu’il termina sa vie paisiblement dans les bras de l’une d’elles, jouissant jusqu’au bout de sa retraite de héros de guerre dans ses appartements confortables de la Zone Sud de la Ville Haute de Nazca. Bien après sa mort, ses faits d’armes alimentent toujours les tournées « patriotiques » des piliers de comptoirs et sont régulièrement cités en exemple dans les académies militaires.
C’était ton père.
Et le début de ton histoire…
Tes premières années se déroulèrent dans un environnement privilégié, bien avant le ballet des concubines qui marquèrent la fin de sa carrière militaire. 3ème fils in-vitro de sa 1ère épouse, tu conserves précieusement les quelques bribes qu’il te reste des moments que tu passais avec lui, lors de ses rares permissions : les sorties en famille dans les rues de la Ville Haute ou dans les coursives aérées des Villes-Parois, sous les regards empreints d’envie et de respect des badauds qui le reconnaissaient ; ses récits de bataille qu’il donnait à l’envie avant l’heure du coucher ; sa salle d’armes et de trophées, parsemée d’objets insolites aux fonctions imprécises ; l’éducation qu’il se plaisait à prodiguer lors de véritables « conseils de familles » qui réunissaient ses plus jeunes enfants, insistant ici sur les vertus d’une bonne stratégie, là sur le courage qu’il faut avoir pour faire ce qui doit l’être, etc...
Tu n’avais pas 7 ans quand tu fus logiquement intégré dans l’un des Instituts Educatifs de la Ligue. « Fils de… », tes camarades ne furent pas tendres avec toi, c’est le moins que l’on puisse dire, sans compter tes instructeurs qui projetaient leurs propres ambitions au travers de tes résultats. A chaque fois que te venaient l’envie de baisser les bras ou de tomber dans la facilité de la médiocrité, l’image de ton père, et la fierté qu’il aurait de voir son nom associé à ta réussite, te portaient au-delà des difficultés rencontrées. Dans une douleur maitrisée, ton cursus se déroula sans faille, tant sur le plan théorique que lors des stages de formation sur le terrain que tu suivis dès l’âge de 12 ans. Tes aptitudes étaient claires et s’affirmaient d’année en année, ton chemin était tracé et ta carrière lancée. Le destin voulut que tu incorpores l’Académie Militaire de Nazca le jour où ton père y revint, pour fêter sa démobilisation méritée. Tu te souviens de son regard, scintillant de l’orgueil d’avoir un fils marchant dans ses pas.
C’est motivé par cette force renouvelée que tu entrepris des études supérieures qui te conduisirent aux 4 coins de la Ligue, avant d’intégrer officiellement les rangs de l’armée et de participer à tes premières campagnes militaires. Rapidement promu sous-officier, Major à la bataille de Trevis puis Lieutenant à celle du Scotia, tu te décidas à prendre ta première permission en 6 ans, pour aller te présenter à ton père. Tu savais à quoi t’attendre, les rumeurs couraient déjà bon train dans les bars à soldats. Tu avais entendu dire que sa nouvelle vie était bien occupée par ses concubines, qu’il régnait en bon père de famille sur toute une smala d’orphelins de guerre et tu te doutais bien qu’il y aurait un décalage entre le souvenir de ce que tu avais laissé, voire idéalisé, et la réalité de cette nouvelle vie. Mais tu étais loin d’imaginer la vérité…
La porte d’entrée était gardée. Il te fallut plusieurs minutes pour qu’on te laisse frapper à la porte, une fois ton identité confirmée. Tu ne reconnus pas la femme, visiblement éméchée, qui vint t’ouvrir. La puanteur rance d’un intérieur laissé à l’abandon t’agressa aussitôt. Elle t’invita à la suivre. Pas de cris d’enfants. Pas d’odeurs de cuisine ni de linge frais. Pas de lumière, pas d’activité. Aucune vie en ces lieux. Tu la suivais lentement, anesthésié par ce qui n’était plus que l’ombre du paysage de ton enfance. Elle te conduisit jusqu’à une chambre, que tu savais être celle de ton père. Elle se déshabilla et retourna se coucher, apathique, drapée de sa seule nudité, auprès du corps endormi d’un vieillard amaigri à qui il manquait un bras. Il lui fallut plusieurs minutes avant de prendre conscience que tu l’observais sans même oser respirer. Il se redressa péniblement, ramassa un drap sale pour s’en entourer et se donner un semblant de contenance. Debout, face à toi, tu réalisais qu’il était plus petit que toi, et que son regard avait perdu toute fierté. Il entreprit une accolade, mais l’émotion fut plus forte, des sanglots le prenant par surprise. La suite est un long flot de paroles, entrecoupé de plaintes, de regrets et de larmes, un pénible souvenir que tu tentes depuis d’oublier, sans succès, et qui te poursuit jusque dans tes cauchemars.
Il t’expliqua d’abord que ta génitrice était morte, ce qui ne toucha pas plus que cela : sa docilité de femme au foyer, discrète et sans envergure, et ses absences causées par ses maternités récurrentes l’avaient rendue transparente à tes yeux depuis longtemps. Mais c’était elle qui gérait les cordons de la bourse familiale et sans elle, les ennuis s’accumulèrent. Toutes ses bouches à nourrir, la rivalité des concubines, l’alcool, l’algue Vulcain, les amis de plus en plus nombreux, les invitations des notables et des puissants, le faste d’un train de vie bien mérité après tant d’efforts à protéger les intérêts de la Ligue… Les créanciers qui se firent de plus en plus pressants avant de devenir menaçants, les concubines qui le quittèrent les unes après les autres, les enfants qui furent placés d’office en Institut Educatif ou en famille d’accueil, les amis qui se faisaient rares au point de disparaitre et surtout, surtout, la chape de silence imposé par les autorités à son sujet. Elles ne pouvaient reconnaitre sa déchéance, celle d’un héros de guerre, qui plus est de sa notoriété. Cela n’aurait pas été bon pour le moral des troupes, ni politiquement correct si une telle légende militaire se trouvait entachée par des considérations aussi bassement matérielles qu’une retraite mal négociée. Elles concédèrent à lui octroyer une pension misérable, lui permettant de vivoter en réglant les intérêts de ses dettes et lui permirent de rester dans ses murs à condition qu’il n’en sorte plus, quitte à les faire garder nuit et jour. Une de ses concubines, abîmée par la drogue et la prostitution, avait finit par revenir à ses cotés, maigre consolation qu’il sanctionna d’une petite claque sur le fessier cellulitique de sa compagne amorphe...
Cette chronique lente et mortifère t’engourdit les sens et fit naitre en toi un sentiment que tu n’avais alors jamais encore connu : la Haine. Sourde… Glaciale... Abyssale. Pas spécifiquement contre ton père, mais contre le système qu’il représentait et pour lequel tu aurais pu sacrifier ta vie sans hésiter si tu ne l’avais pas perçu dès lors sous son véritable jour ; contre toi pour avoir cru en un idéal mensonger ; contre ton avenir, que tu n’avais certes pas clairement défini mais dont tu savais que quoi qu’il aurait pu être, il ne serait jamais plus qu’une illusion, un regret, un possible inachevé. Car la vérité était là : la Ligue ne glorifiait pas ses héros, mais leur image…Tu ne te rappelles plus vraiment de ce que tu as pu dire ou faire, tu te souviens seulement d’avoir laissé là ton père, à genoux, vociférant, pleurant, te suppliant de faire quelque chose pour lui.
Comme tu partais, il te menaça. Il connaissait du monde « … et du beau ». Il savait des choses. Il n’avait pas toujours été un paria. Des gens étaient venus à lui, avaient tenté de l’enrôler dans un complot contre le Premier Citoyen. Mais il avait refusé, car tout aussi maudit fut-il, sa dernière dignité résidait en sa loyauté pour le système qui lui avait offert son rang. Des noms célèbres avaient pourtant été prononcés : le Général HANTOV, Gouverneur des Terres Rouges ou encore le Général Ugmar KRULL, en charge des armées terrestres.
Ton père te dit qu’il tenait ta carrière dans sa main et qu’il lui suffisait d’un seul mot pour qu’elle prenne fin. Sans un regard en arrière, tu franchis la porte.
Quelques heures plus tard, sortant d’un bar où tu n’avais pas su trouver l’ivresse, tu reçus un coup de poignard dans le ventre. Tes réflexes prirent le dessus, tu maitrisas la main qui venait de te meurtrir et la retournait en un éclair contre ton agresseur, lui plantant la lame dans la gorge. Tu ne le connaissais pas, mais tu reconnus sans hésiter son tatouage, celui de la Légion Rouge, l’infanterie de surface menée par KRULL. Nul besoin d’être un génie pour comprendre que les propos de ton père avaient eu d’autres conséquences que de profondément déstabiliser ton patriotisme… Trois jours plus tard, alors que tu aurais du rejoindre ton escouade, c’est en clandestin que tu embarquais sur un navire marchand en partance pour Equinoxe. Voilà presque 5 ans maintenant que tu y résides.
Les deux premières années furent très difficiles, et c’est un miracle que tu sois parvenu à sortir du dénuement que tu as connu dans les bas-fonds des niveaux -3 à -5. Ou tout simplement vivant. Trafiquants d’organes, réseaux de miséreux, drogués en manque, cannibales en meutes, nantis en quête de sensations fortes… Faisant partie de la masse des victimes potentielles, celle des exclus, tu as entendu parler de ces groupes, tu les as vu, tu les as peut-être même côtoyé, tu as été pris dans des rixes sordides, tu as été témoin d’évènements innommables et pourtant quotidiens… Les abysses mentaux où tu avais sombré t’avaient rendu méconnaissable, terrorisé, dépressif et paranoïaque au point que tu n’osais te lier à personne. Mais dans la jungle urbaine d’Equinoxe, « Seul, tu n’es rien »…
Ces mots furent prononcés par un homme qui te tendit la main, un jour, alors que tu faisais la manche. Il s’appelait Promesse, et tenait la Torpille, un bar au niveau 1 situé à l’Est de la ville, presque en face de docks réservés aux navires marchands. Il t’envoya prendre une douche dans les sanitaires publics, te refaire une beauté auprès des services d’hygiène et glissa deux mots en ta faveur à un chef d’une équipe de dockers. Depuis, tu exerces cette profession dans le Grand Souk de la station, ce qui te confère l’anonymat, un salaire que tu peux arrondir par quelques missions « annexes » pour l’Union des Dockers d’Equinoxe, un statut qui te permet d’attendre une certaine solidarité de la part des tes pairs en cas de pépins… Tu fais profil bas, te gardant bien de laisser transparaitre ton éducation et les réflexes de ton ancienne vie. Le hasard a voulu que tu apprennes par des marins de la Ligue, un soir de beuverie, que ton père était mort peu après ton départ, «dans les bras d’une de ses femmes, le vieux bougre !» d’après la rumeur. Le héros avait eu droit à des obsèques qui avaient fait pleurer Nazca toute entière. Et qu’il n’y avait eu qu’un absent, son fils, qui avait été banni suite à sa désertion… «Si c’est pas malheureux, quand même. Mais un jour, on le chopera, et il paiera pour avoir abandonné son père et sa nation !».
Aujourd’hui, tu vas mieux, à défaut d’aller bien. Tu restes profondément traumatisé par ce que tu as vécu, mais la peur s’est muée en détermination, la paranoïa en vigilance et le dégoût de soi en soif de revanche. Tu ne sais pas ce que te réserves l’avenir, mais tu te sens prêt à saisir toute occasion qui te permettrait, enfin, de t’en bâtir un…