Station d’Extraction de Tuborsk,
Autorité Pénale de Vitriomilny,
25/08/562, 03h41
Cristof sursauta dans son lit – quelqu’un avait hurlé dans son bloc. La chose en elle-même n’était pas peu commune, un garde ennuyé avait pour habitude de s’acharner contre un gringalet venu de quelque milice municipale qui c’était fait prendre a jouer les caïds.
Cet hurlement avait autrechose en lui – comme un timbre rancunier. En général, on n’entend pas le bruit qui nous réveille, mais celui-ci fut assez prolongé pour que Cristof puisse consciemment le déscerner. A peine avait il reprit conscience, que le hurlement trouva son echo dans plusieures autre bouches : une chorale de colère s’était formée au sein de prisonniers et le chaos lui emboitait le pas. Il tourna la tête, et vit la zizanie semée dans son bloc alors que plusieurs dixaines de prisonniers se révoltèrent contre les gardes. Evidemment, les vigils étaient largement inférieurs en nombre et même une matraque et tout l’entraînement du monde ne permettraient pas de résister a une cote de cinq contre un.
Il se leva d’un mouvement rapide, jetant un œil sur les couchettes au-dessus de la sienne. Vides. Il regarda dehors et vit une armée de fortune avec comme seule arme le système D – savonettes glissées dans des chaussettes, tubes, couteaux improvisés, corde a nœuds, la preuve qu’une arme a feu est parfaitement inutile quand on possède réellement le désir de blesser son prochain, que n’importe quoi peut devenir une arme.
Et Cruso dans tout ça, pensa-t-il ? C’était l’heure du règlement de compte, il voyait un homme avachi contre la porte de sa cellule maintenue ouverte par le poids du corps appuyé contre le battant. Le pauvre diable tentait tant bien que mal de garder ce qui lui restait de tripes dans l’estomac. Cristof avait déjà vu une blessure comme celle-là. Il mourra lentement et douloureusement.
Seuls un vingtaine de gars déterminés affrontaient les gardes – le trentaine d’autres lavait son linge sale en famille. Du coin de l’œil, il vit Arabov, le ponte de ce bloc passer a la clef de 30 un pauvre diable qui lui avait surement déplu. De l’autre, il vit un des sodomites attraper un pauvre homme a moitié inconscient pour se livrer a son petit jeu sadique – a sec.
Ceux qui n’étaient pas armés avaient tout autant de facilité a suivre le mouvement. Ils se jetaient tout et n’importe quoi a la figure. Avec urgence, il chercha Cruso. Il avait confiance que le grand black qui le couvrait depuis qu’il était arrivé au bagne serait du côté des rebelles, mais quand il ne vit que des blancs pâlis par des semaines d’intense labeur, il eut comme un doute – faisait-il partie de la bande des règlements de compte ? Il scruta le reste de la salle, y compris ceux qui gîsaient à même le sol dans une flaque de leur propre sang. Personne. Cruso n’était pas en vue. Sa cellule, directement a l’opposé de la sienne, servait de suite nuptiale pour le mariage forcé d’une brute et d’un homme qui pour le reste de sa courte vie, ne pensera qu’a trouver moyen de l’écourter d’avantage.
Du coin de l’œil, il vit une grand silhouette à la peau noire se terrer dans la guérite de sécurité à l’entrée du bloc, traînant derrière lui un garde inconscient. Il fit un geste dans cette direction, mais se retrouva convaincu de rester figé un moment de plus alors qu’une lame aussi irrégulière qu’acérée lui vint en travers de la gorge. C’est alors que la voix la seule et unique voix qu’il désirait ne pas entendre lui vint lui sussurer des promesses aux airs de menaces – Baden l’avait retrouvé.
« Viens voir, salope – je vais te faire gouter un peu au plaisir que tu m’a procuré. Ensuite, ce sera a moi de me faire plaisir. » Hissa-t-il en forçant Cristof dans sa cellule a reculons.