Petit explicatif avant toute chose :
Ceci est le texte qui sera remis à mes joueurs avant la première partie de ma chronique. Il concerne un souvenir qui leur revient après s'être évanoui visiblement sans raison. Je tenais à le faire partager... Voilà c'est dit, bonne lecture.
« Le spectacle de l’injustice m’accable, mais c’est probablement parce qu’il éveille en moi la conscience de la part d’injustice dont je suis capable... »
[Georges Benanos]
Une douleur aiguë lui fendait le crâne alors que ses yeux s’ouvraient péniblement. La lumière blanchâtre, aveuglante, d’une pièce stérile ne lui permettait de discerner des habitants de l’endroit, que les contours flous et vacillants. Où était-il ?
Sa tête résonnait des dialogues incessants des personnes présentes. Ils dissertaient, dans une langue qu’il ne connaissait pas mais qui lui rappelait, par ses sonorités, la sienne. Il voulut bouger, mais le froid environnant avait du engourdir ses membres. Il n’était plus qu’une conscience désincarnée, ne percevant du monde environnant qu’un vague écho que ses sens endoloris rendaient incompréhensible.
Il lui sembla un instant qu’on parlait de lui. Avait-on murmuré son nom ? S’inquiétait-on de son état ? Puis les contours grotesques vacillèrent. Il avait été déplacé. Ou plutôt, on l’avait redressé. Au prix d’un effort conséquent, il se concentra afin de faire apparaître une image nette.
Cette pièce… Il la connaissait… Mais il ne parvenait pas à se souvenir. Ses murs blancs, ses appareillages médicaux, son odeur, tout lui était familier. Et le groupe, en son centre, vêtus d’une toge lui rappelant celles des prêtres du Culte, étaient-ils tous les six médecins ?
Lorsque l’un d’eux tourna la tête en sa direction le souvenir fugace de son frère Gal, lui revint pour disparaître la seconde suivante. Le regardant dans les yeux, il n’arrivait pourtant pas à percevoir son visage ; amas de chair sans particularité.
Peu à peu, son corps se rappelait à lui. Comme tiré d’une léthargie, la nausée lui indiquait qu’on avait du lui faire ingurgiter de grandes quantités de drogues. La tête lui tourna un instant et une bouffée de chaleur manqua de le faire sombrer. Mais il se raccrochait à ces murmures comme un naufragé à sa planche.
« … alliance… aube… crépuscule… CCM… »
Il n’était pas seul dans la pièce. Cinq autres « patients » étaient maintenus à la vertical, sanglés, prisonniers des prêtres médecins. Instinctivement son regard se posa sur celui qui murmurait les mots salvateurs. Il les répétait sans interruption comme quelqu’un qui tente de ne pas oublier. Il comprit enfin ce que ces yeux voyaient. L’homme, nu, avait le crâne décalotté, des appareillages complexes plongeaient en lui comme autant de parasites lui rongeant le cerveau. Il voulu hurler, mais sa gorge sèche se serra en apercevant les autres, installés de la même manière, torturés à l’identique. Tous semblaient à demi conscients, probablement dans un état proche du sien.
Les Prêtres s’interrompirent fixant l’éveil de leurs sujets. Bien que les visages de leurs bourreaux étaient indiscernables, ceux de ses compagnons de cellule reflétaient le même effroi que le sien. Il voulut se débattre, mais il était las, bien trop fatigué pour opposer une résistance concrète aux liens qui lui enserraient chaque articulation.
L’un après l’autre, les six spectres s’avancèrent vers l’un d’eux observant d’un faciès sans visage son patient. L’effroi était à son comble. Il aurait voulu s’éveiller, se sortir de ce cauchemar, mais il ne dormait plus.
« Lorsque l’aube t’éveillera, souviens-toi de qui tu es. Souviens-toi de ce que l’on t’a fait. Souviens-toi de ce à quoi tu as toujours aspiré. Souviens-toi de l’injustice dont tu seras capable à ton tour… »
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