Après son étirement à 500°C, un acier composé de très petits cristaux devient à la fois dur et résistant aux chocs, même à base température
Un matériau dur résiste bien à la déformation. Mais alors, il est souvent cassant : n’absorbant pas les contraintes, il se brise net. C’est en particulier le cas de l’acier, surtout à basse température. Ce n’est toutefois pas inéluctable, comme viennent de le montrer des métallurgistes japonais, qui ont conçu un acier très dur dont la résistance augmente face aux basses températures. (Y. Kimura et al., Science, 320, 1057, 2008)Leur méthode : jouer sur la taille et la forme des cristaux d’acier ; afin de dévier la propagation des fissures dans le matériau.
Tous les professeurs de métallurgie racontent cette histoire à leurs élèves : en 1940, plus de 200 Liberty Ships, chargé de ravitailler les alliés se sont soudainement cassés en Mer du Nord. Les études ultérieures ont montrés que ce désastre était du à un brusque changement des propriétés mécaniques des aciers, qui deviennent cassants en deçà de la température de transition ductile-fragile. Cet évènement a incité les métallurgistes à diminuer cette température de transition, afin que les aciers restent résistants même aux conditions les plus froides. Ils y sont parvenus, mais l’acier est devenu plus déformable moins dur.
Pour obtenir un acier à la fois dur et résistant, les chercheurs japonais ont joué sur plusieurs tableaux : tout d’abord, ils ont diminué la taille des cristaux, ce qui évite les fractures à travers les cristaux eux-mêmes. Ils ont également précipité entre les cristaux de fines particules à base de carbone (les carbures) connus pour rendre les alliages plus durs. Mais la résistance du matériau est surtout obtenue par un traitement « thermomécanique » par lequel l’acier est déformé après un chauffage à 500°C. Les cristaux sont alors étirés, leur plus petite dimension devenant inférieur au micromètre. Les fissures sont ainsi déviées en passant d’un grain à l’autre, et perdent une partie de leur énergie. L’acier résiste alors bien mieux à la rupture dans certaines directions.
Lorsqu’on les soumet à de très fortes contraintes, ces échantillons d’acier se fracturent de manière inhabituelle, en feuillets. « L’aspect de ces fractures ressemble à celle d’un bambou, bien plus résistant perpendiculairement aux fibres que le long de ces fibres » expliquent les auteurs. Ce nouvel acier garde ses propriétés, même à basse température, jusqu’à – 60°C . Mieux, il est même plus résistants aux chocs à ces basses températures qu’à température ambiante, contrairement aux aciers traditionnels : à cette T°C, il faut un impact de 290 joules pour casser une éprouvette standard de ce matériau, alors que 13 joules suffisent pour un acier de même composition sans traitement thermomécanique.